Il y a quelques jours, Cassandra Clare, de retour d'Allemagne, a tenu sa promesse et a publié le chapitre "Fierce Midnight" de Clockwork Prince, du point de vue de Jem.
J'ai dégusté, mais le résultat est là :)
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Spoiler:
Le clair de lune en
offrande
J'aimerais mettre le
clair de lune au creux de ta main,
Zhang Jiu Ling
[Ceci apparaît dans le
chapitre neuf de Clockwork Prince, intitulé “un intense
minuit”. La scène dans laquelle Tessa et Jem s'embrassent pour la
première fois, du point de vue de Jem]
Sitôt
qu'il entra dans sa chambre, Jem s'approcha à grandes enjambées de
la boîte à yin fen qui reposait sur sa table de nuit.
En
général, il prenait la drogue en la mélangeant à de l'eau, il la
laissait se dissoudre avant de la boire. Mais là, il était trop
impatient ; il prit une pincée du pouce et de l'index puis la lécha
sur ses doigts. Elle avait un goût de sucre brûlé et laissait une
sensation d'engourdissement dans sa bouche. Avec une sinistre
satisfaction, il referma la boîte d'un coup sec.
Ensuite,
il reprit son violon.
La
brume, plaquée contre les fenêtres, était si épaisse qu'on aurait
crû qu'elles avait été badigeonnées de plomb.
Sans
la lueur tamisée des torches de pierre de rune, c'est à l'aveugle
qu'il aurait brusquement ouvert la caisse dans laquelle reposait son
Guarneri, avant de prendre l'instrument.
Quelques
notes d'une chanson de Bridget résonnèrent dans sa tête :
C'était une sombre, sombre nuit, ici, pas la moindre étoile ne
luit, ils pataugeaient dans le sang jusqu'aux g'noux.
Une
sombre, sombre nuit, en effet. Le ciel avait été aussi noir que le
goudron, dans Whitechapel. Jem pensa à Will ; il le voyait sur
le trottoir, de l'ivresse dans le regard, un sourire aux lèvres.
Jusqu'à ce que Jem ne le frappe. Jamais auparavant il n'avait frappé
Will, qu'importe à quel point son parabatai pouvait se
montrer exaspérant. Qu'importe à quel point il était destructeur
pour les autres, qu'importe sa cruauté désinvolte, qu'importe son
esprit aussi aiguisé qu'un poignard, Jem n'avait jamais levé la
main sur lui. Jusqu'à maintenant.
Le
crin était d'ores et déjà enduit de colophane; il dégourdit ses
doigts avant de saisir l'archet puis prit quelques profondes
inspirations. Il commençait à sentir le yin fen courir dans
ses veines, incendier son sang comme le feu embrase la poudre à
canon. Une fois encore, il pensa à Will, allongé sur le lit à la
fumerie d'opium, les pommettes rouges, son visage doux et innocent
endormi, une joue enfoncée dans la paume de sa main, comme un
enfant. Jem se souvint l'époque où Will avait été aussi jeune,
bien qu'il n'eût jamais connu l'innocence.
Il
posa l'archet sur les cordes et se mit à jouer. Un doux jeu, au
début. Il jouait Will perdu dans des rêves, trouvant le réconfort
dans un brouillard toxique qui feutrait sa douleur. Jem pouvait au
moins lui envier cela. Le yin fen n'était pas un baume ;
il n'y trouvait pas ce que les mangeurs d'opium appréciaient dans
leur pipe, ou les alcooliques dans le dépôt au fond d'une bouteille
de gin. Sans la substance, ce n'était qu'épuisement et lassitude,
et avec, l'énergie et la fièvre. Mais la douleur ne lui accordait
aucun répit.
Les
genoux de Jem cédèrent et il s'effondra sur la malle au pied de son
lit, tout en continuant de jouer. Il joua Will murmurant le nom
Cecily ; lui-même, observant l'éclat de sa propre bague au
doigt de Tessa, dans le train pour York, tout en sachant que c'était
de la comédie, tout en sachant également qu'il aurait aimé que ce
fut réel. Il joua la douleur dans les yeux de Tessa lorsqu'elle
était venue dans la salle de musique après que Will lui eut dit
qu'elle n'aurait jamais d'enfants. C'était une chose impardonnable,
certes, comment avait-il osé ? Et pourtant, Jem lui avait
pardonné. L'amour est pardon, il y avait toujours cru. Et les choses
que Will avait dites, il les avait sorties d'un puits de douleur sans
fond. Jem en ignorait la source, mais il la savait réelle autant que
l'inéluctabilité de sa propre mort, autant que son amour nouveau
pour Tessa Gray et autant que l'impossibilité d'y remédier.
Il
jouait tout cela à la fois, à présent ; il jouait tous ces
cœurs brisés tandis que le son du violon l'enveloppait, le
bouleversait. Il ferma les yeux et...
La
porte s'ouvrit. Il en discerna le son à travers la musique, mais un
instant, il refusa d'y croire car il entendit la voix de Tessa dire
son nom.
- Jem ?
Elle
était sûrement un rêve conjuré par la musique, la drogue et son
esprit fébrile. Il continuait de jouer, il continuait de jouer sa
propre rage et sa propre colère contre Will ; car bien qu'il
ait toujours excusé Will pour sa cruauté envers les autres, il ne
pourrait jamais lui pardonner de se mettre en danger.
- Jem !
La
voix de Tessa apparut une nouvelle fois et tout à coup, deux mains
étaient sur les siennes et arrachaient l'archer de sa prise. Sous le
choc, il la laissa faire avant de lever les yeux vers elle.
- Jem, arrêtez !
Votre violon, votre si beau violon, vous allez l'abîmer.
Elle
était penchée vers lui, une robe de chambre enfilée par-dessus sa
chemise de nuit blanche. Il se souvenait de cette chemise de nuit.
Elle la portait la première fois qu'il l'avait vue, lorsqu'elle
était entrée dans sa chambre. Un fol instant, il avait alors cru
qu'il s'agissait d'un ange.
Essoufflée,
le rouge aux joues, elle agrippait son violon d'une main et l'archet
de l'autre.
- Qu'est-ce que cela
peut faire ? demanda t-il. Qu'est-ce que tout cela peut faire ?
Je suis en train de mourir... je ne tiendrai pas la décennie,
qu'est-ce que cela peut faire si le violon part avant moi ?
Elle
le dévisagea, ses lèvres entrouvertes de stupéfaction. Il se leva
et se détourna d'elle. Il ne supportait plus de la regarder en face,
il ne supportait plus de la voir déçue de lui, il ne supportait
plus sa propre faiblesse.
- Vous savez que cela
est vrai.
- Rien n'est
irrévocable (sa voix tremblait). Rien n'est inévitable. Un
remède...
- Il n'y a pas de
remède. Je vais mourir et vous le savez, Tess. Probablement dans
l'année. Je suis en train de mourir, je n'ai pas de famille au
monde, et la seule personne à qui je faisais le plus confiance
parmi tant d'autres fait une distraction de ce qui est en train de
me tuer.
- Mais Jem, je ne
pense pas du tout que c'était l’intention de Will.
Elle
avait posé le violon et l'archer, et s'approchait de lui.
- Il essayait juste de
s'évader... il fuit quelque chose, quelque chose de sombre et
d'affreux, vous savez ce dont il s'agit, Jem. Vous avez vu comment
il se portait après... après Cecily.
- Il sait ce que cela
signifie pour moi, dit-il.
Elle
était juste derrière lui. Il pouvait sentir le léger parfum de sa
peau, de l'eau de violette et du savon. L'envie de se retourner pour
la toucher était irrésistible, mais il ne devait pas bouger.
- Le voir ne serait-ce
que jouer avec ce qui a détruit ma vie...
- Mais il ne pensait
pas à vous...
- Je sais.
Comment
dire ? Comment expliquer ? Comment lui dire que Will était
celui à qui il avait consacré sa vie : la rééducation de
Will, sa bonté intérieure. Will était le miroir fissuré de son
âme, qu'il avait tenté de réparer pendant des années. Il pouvait
pardonner à Will de blesser n'importe qui, mais pas de se faire du
mal.
- Je me dis qu'il vaut
mieux que ce qu'il prétend être, mais Tessa, et si ce n'était pas
le cas ? J'ai toujours pensé que si je n'avais rien d'autre –
si je n'avais rien fait d'autre pour donner un sens à ma vie – au
moins, j'avais Will. Je me suis toujours tenu à ses côtés... mais
peut-être que je ne devrais pas.
- Oh, Jem.
Sa
voix était si douce qu'il se retourna. Ses cheveux sombres étaient
relâchés tels une cascade de boucles dévalant son visage. Il avait
ce désir si ridicule d'y plonger les mains pour l'approcher de lui,
ses doigts en coupe autour de sa nuque. Elle leva une tendre main
vers lui et un instant, l'espoir monta en lui, aussi sauvage et
implacable que les vents et marées ; mais c'était pour la
poser sur son front, comme une infirmière s'occuperait de lui.
- Vous êtres brûlant.
Vous devriez vous reposer...
Avant
de pouvoir s'en empêcher, il eut un brusque mouvement de recul. Les
yeux gris de Tessa s'agrandirent.
- Jem, que se passe
t-il ? Je ne peux pas vous toucher ?
- Pas de cette façon.
Les
mots s'étaient échapper sans qu'il puisse les retenir. La nuit,
Will, la musique, le yin fen, tout cela avait bloqué quelque
chose en lui... il connaissait à peine son moi véritable, cet
étranger qui disait la vérité, et de façon brutale.
- Comment, alors ?
La
confusion se lisait clairement sur son visage. Sa veine battait dans
le coin de sa gorge, là où sa chemise de nuit était ouverte,
dévoilant la tendre courbe de sa clavicule. Il enfonça les doigts
dans le creux de ses propres mains. Il ne pouvait plus retenir les
mots. C'était nager ou se noyer.
- Comme si vous étiez
une infirmière et moi, votre patient, lui dit-il. Pensez-vous que
j'ignore que lorsque vous prenez ma main, ce n'est que pour prendre
mon pouls ? Pensez-vous que j'ignore que lorsque vous me
regardez dans les yeux, ce n'est que pour deviner la quantité de
drogue que j'ai prise ? Si j'étais un autre homme, un homme
normal, je pourrais avoir des espoirs – des certitudes, même –
je pourrais...
Je
pourrais vous désirer. Il s'interrompit avant qu'il ne soit trop
tard. Ce n'était pas des paroles à dire. Des mots d'amour, c'était
une chose. Mais des mots de désir étaient aussi dangereux qu'une
falaise rocheuse contre laquelle un navire pourrait sombrer. C'était
sans espoir, il le savait. Et pourtant...
Elle
secoua la tête.
- C'est la fièvre qui parle, ce n'est pas vous.
Sans
espoir. La désillusion lui fit autant de mal qu'un couteau mal
affûté. Il dit alors ces mots sans réfléchir :
- Il ne peut pas vous
venir à l'esprit que je pourrais vous désirer. Que je suis assez
vivant, en assez bonne santé...
- Non...
Elle
le prit par le bras et il sentit comme cinq fers incandescents
marquer sur sa peau. Le désir le transperça comme la douleur.
- James, ce n'est pas
du tout ce que je voulais...
Sa
main couvrit les siennes, qui lui tenaient le bras. Il l'entendit
prendre une brusque inspiration de surprise. Mais pas d'horreur. Elle
ne reculait pas. Elle ne retirait pas sa main. Elle le laissait la
tenir tandis qu'il la faisait pivoter pour qu'ils se tiennent en
face-à-face, assez proches pour qu'ils puissent se respirer l'un
l'autre.
- Tessa, dit-il.
Elle
leva les yeux. La fièvre battait en lui comme du sang ; il ne
savait plus s'il s'agissait du désir ou de la drogue, ou si l'un
entraînait l'autre, mais cela n'avait aucune importance. Cela
n'avait aucune importance car il la voulait, il la désirait depuis
si longtemps. Les yeux de Tessa étaient grands et gris, ses pupilles
dilatées, et ses lèvres entrouvertes sur son souffle coupé, comme
si elle était sur le point de parler. Mais avant qu'elle puisse dire
quoi que ce soit, il l'embrassa.
Le
baiser explosa dans sa tête comme les feux d'artifices à la
commémoration de la conspiration des poudres. Il ferma les yeux sur
un tourbillon de couleurs et de sensations presque trop intense à
supporter. Ses lèvres étaient douces et chaudes contre les
siennes ; il sentit ses propres doigts courir sur son visage,
sur les courbes de ses pommettes, sur le pouls martelant dans sa
gorge, la tendre peau de sa nuque. La moindre once de sa retenue fut
nécessaire pour la toucher avec douceur et ne pas l'écraser contre
lui. Lorsqu'elle leva les bras et les enroula autour de son cou en
soupirant contre sa bouche, il dut réprimer un halètement et se
tenir un instant aussi calme que possible pour qu'ils ne se
retrouvent pas sur le sol.
Les
mains de Tessa étaient légères sur lui, mais elles étaient sans
aucun doute encourageantes. Ses lèvres murmuraient contre les
siennes, elles susurraient son nom ; dans ses bras, son corps
était tendre et fort à la fois. De ses mains, Jem suivit l'arc de
son dos et en sentit la courbe sous sa robe de nuit ; enfin, il
ne pouvait plus se retenir : il l'attira si fort contre lui
qu'ils vacillèrent et tombèrent en arrière sur le lit.
Tessa
s'effondra sur les coussins et il se pencha sur elle. Ses cheveux
s'étaient libérés de ses tresses et jaillissaient sur les
oreillers, sombres et libres. Le contact chaud du corps à corps
était étourdissant comme jamais il ne l'aurait imaginé, plus
puissant et délicieux encore que la plus délirante des musiques. Il
l'embrassa encore et encore, chaque baiser plus intense que l'autre ;
il savourait la texture et le goût de ses lèvres contre les siennes
puis cette force fut telle que la frontière entre le plaisir et la
douleur menaça de céder.
Il
devrait arrêter, il le savait. Tout cela était allé au-delà de
l'honneur, au-delà des limites de la bienséance. De temps à autre,
il s'était imaginé l'embrassant délicatement, les mains en coupe
autour de son visage ; mais jamais il n'aurait imaginé une
étreinte telle qu'il serait impossible pour lui de discerner son
propre corps de celui de Tessa. Jamais il n'aurait imaginé ses
baisers et ses caresses, les mains de Tessa fourrageant dans ses
cheveux. Jamais il n'aurait imaginé l'hésitation dans ses doigts
sur le nœud de sa robe de chambre, la région raisonnable de son
cerveau ordonnant son corps indiscipliné et désorienté d'arrêter ;
et encore moins qu'elle résoudrait le dilemme en défaisant le nœud
elle-même, le tissu glissant de ses épaules, avant de se laisser
retomber contre les coussins, les yeux levés vers lui dans sa fine
robe de nuit.
Le
menton levé, de la détermination et de la sincérité dans les
yeux, elle tendit les bras, l'invitant à la rejoindre pour
l'envelopper et l'attirer contre elle.
- Jem, mon Jem...,
chuchotait-elle.
Il
murmurait en retour, ses mots étouffés contre sa bouche ; ses
murmures étaient sincères mais il espérait qu'elle ne les
comprendrait pas. Il chuchotait en chinois, inquiet à l'idée de
parler en anglais et de dire des paroles profondément stupides.
- Wo ai ni. Ni hen
piao liang, Tessa. Zhe shi jie shang, wo shi zui ai ni de.
Mais
les yeux de Tessa s'assombrirent ; il savait qu'elle se
souvenait que c'était ce qu'il lui avait dit dans la voiture.
- Qu'est-ce que cela
signifie ? murmura t-elle.
Il
s'immobilisa contre son corps.
- Cela signifie que
vous êtes belle. Je ne voulais pas vous le dire auparavant car je
ne voulais pas que vous imaginiez que je prenais des libertés.
Elle
leva la main et effleura sa joue. Il sentait son propre cœur
palpiter contre le sien. Il avait l'impression qu'il battait en
dehors de son torse.
- Prenez-les, souffla
t-elle.
Son
cœur s'envola. Il la souleva et la plaqua contre lui, quelque chose
qu'il n'avait jamais fait auparavant, mais sa maladresse ne semblait
pas la déranger. Ses mains voyageaient doucement sur lui, découvrant
son corps tandis que ses doigts caressaient l'os de sa hanche et le
creux de ses reins. Ils s'emmêlèrent dans sa chemise avant de la
retirer par-dessus sa tête, puis il fondit sur elle en secouant la
tête pour chasser ses mèches argentées. Il vit les yeux de Tessa
s'agrandir et il sentit ses entrailles se resserrer.
- Je sais, dit-il en
baissant les yeux sur lui-même, sur sa peau pâle et ses côtes,
aussi fines que les cordes d'un violon. Je ne suis pas.... je veux
dire, je suis...
- Beau, acheva t-elle.
Ce
mot fut comme une déclaration.
- Vous êtes beau,
James Carstairs.
L'air
retrouva ses poumons puis ils s'embrassèrent de nouveau, ses mains
chaudes et douces contre sa peau nue. Ses caresses étaient
hésitantes et curieuses, elles faisaient la carte d'un corps qui
semblait, sous ses bons soins, s'épanouir en quelque chose de
parfait et en bonne santé. Ce n'était plus un instrument fragile
constitué d'une chair qui se faisait de plus en plus rare et
rattachée à une charpente d'os fragiles. Ce fut seulement à cet
instant, maintenant que tout cela était réel, qu'il se rendit
compte avec quelle sincérité il avait toujours refusé d'envisager
que ce rêve puisse devenir une réalité.
Alors
que ses mains poursuivaient leur course sur le corps de Tessa, il
sentait le souffle léger et nerveux de sa respiration contre la peau
sensible de sa gorge. Il la touchait comme il aurait touché son
violon ; il savait comment toucher quelque chose de précieux et
de chéri. Il avait porté le violon dans ses bras de Shanghai à
Londres, tout comme il avait porté Tessa dans son cœur longtemps
auparavant, plus longtemps encore qu'il ne s'en souvenait. Quand cela
avait-il commencé ? Ses mains la touchèrent à travers la robe
de nuit ; la courbe de ses hanches et le creux de sa taille se
méprenaient à la ligne de son Guarneri, qui, lui, ne produisait pas
de hoquets de satisfaction lorsqu'il le touchait, ne cherchait pas sa
bouche pour recevoir des baisers ou n'avait pas de fascinantes
paupières qui battaient lorsqu'il caressait la peau sensible à
l'arrière de ses genoux.
Peut-être
était-ce le jour où il avait descendu les escaliers pour lui baiser
la main. Mitspa. Que l'Éternel veille sur toi et sur moi, quand nous
nous serons l'un et l'autre perdus de vue. C'était la première fois
qu'il avait senti quelque chose de différent lorsqu'il avait posé
le regard sur une jolie fille qu'il ne pouvait avoir ; il y
avait eu comme quelque chose de sacré.
Du
bout des doigts, il sentit la surface lisse des boutons en forme de
perle de sa robe de nuit. Son corps se cambra et sa gorge s'arqua
lorsque le tissu glissa sur le côté, découvrant son épaule nue.
Sa respiration était erratique dans sa gorge, les boucles de ses
cheveux châtain collées à ses joues rosies et à son front, le
tissu de sa robe froissé entre les deux. Il tremblait lorsqu'il se
pencha pour embrasser la peau nue que fort probablement personne, à
par elle-même et peut-être Sophie, n'avait jamais vue ; Tessa
leva et posa une main contre sa nuque, ses doigts se faufilant parmi
les fins cheveux à l'arrière de son cou...
Le
bruit d'un fracas retentit. Puis un brouillard étouffant de
yin fen remplit la chambre.
Jem
avait l'impression d'avoir avalé du feu ; il recula brusquement
et s'éloigna de Tessa avec une force telle qu'il leur fit presque
perdre l'équilibre à tous les deux. Tessa s'assit également,
ramenant sa robe de chambre contre elle, l'expression de son visage
subitement embarrassée. La chaleur de Jem avait disparu. Tout à
coup, sa peau se glaça, probablement de honte et de peur pour Tessa.
Il n'aurait jamais voulu se retrouver aussi proche de cette substance
toxique qui avait détruit sa vie. Mais la boîte laquée était
cassée et une légère couche de poudre brillante s'étalait sur le
sol. Et même si, dans un souffle, Jem ordonna à Tessa de partir, de
le quitter pour se mettre mettre à l'abri, il ne pensait pas à la
perte de la précieuse drogue, ni au danger que cela représentait
pour lui s'il ne pouvait la récupérer. Il pensa seulement :
Plus
jamais.
Le
yin fen m'a pris tellement de choses : ma famille, les
années de ma vie, la force dans mon corps, l'air dans mes poumons.
Il ne me prendra pas cela également : ce qui est de plus
précieux et qui nous est offert par l'Ange. L'aptitude à aimer.
J'aime Tessa Gray.
Et
je vais m'assurer qu'elle l'apprenne.
|
Merci de créditer la traduction si besoin. Et un immense merci à Cassandra Clare, by the way.
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